Cet article a été co-écrit par deux ingénieurs IF.
Ce moment magique où tu rentres de Mix-IT, tu étais aussi à Devoxx France deux semaines auparavant, tu as fait le plein de motivation et d’idées pour l’année et tu as encore la tête pleine d’étoiles. Et le matin au petit déjeuner tu as une main sur Twitter, l’autre qui tient la cuillère et tu tombes sur ça.
#INSALyon forme des #ingénieurs informatique, pas des #geeks http://t.co/IzGMDybQJS
— INSA de Lyon (@insadelyon) April 30, 2014
Tu ouvres le lien en question et tu tombes en début d’article sur cette phrase.
Un ingénieur en informatique peut être amené à ne pas toucher une ligne de code de sa vie professionnelle ! L’image de l’informatique auprès du grand public, souvent réduite à un clavier, un écran, un geek, est fausse.
Et là tu craches la moitié de tes céréales sur ton téléphone, tu l’essuies et ensuite tu lis le reste de l’article. Cette phrase vient du directeur du département informatique (IF) de l’INSA Lyon et nous sommes tous deux diplômés de ce département, promotion 2010.
Un peu plus bas dans l’article on peut lire cette phrase.
On commence à avoir un petit réseau d’anciens chez Google ! La sauce prend.
Justement, des gens comme Romain Guy (ancien IF) sont rentrés chez Google tout simplement parce que ce sont des développeurs talentueux. Un entretien technique chez Google, ça consiste principalement à écrire du code.
Les entreprises prestigieuses du monde de l’informatique que sont Google, Microsoft, Apple, Facebook ont toutes été lancées par des développeurs qui sont restés à la tête des sociétés qu’ils ont créées. Ces derniers sont tous entourés en permanence par de bons développeurs car ils savent à quel point la technique est importante dans les décisions stratégiques.
L’article parle ensuite de la formation qui se déroule en 3 ans. Effectivement elle se veut généraliste et a pour but d’apprendre à apprendre. A l’INSA nous avons fait du Java 1.4 avec JBuilder, c’était il y a 5 ans, à l’époque où la base de tout projet était Spring, Hibernate, Struts et Maven. Autrement dit à l’INSA on n’apprend pas les technologies du moment comme le laisse sous-entendre l’enseignement du Cloud computing qui va “bientôt arriver”. De même “pas besoin d’enseigner le big data”, c’est comme le SQL. Il est sûrement difficile de jongler entre la recherche et l’enseignement à cette époque où tout bouge si vite. Mais c’est regrettable car cela va un peu à l’encontre d’une profession dans laquelle la formation continue est primordiale.
Finalement, ce n’est pas si grave, aujourd’hui les conférences, user groups et MOOC viennent combler ce manque. Le Java User Group de Lyon a justement été en partie fondé par d’anciens élèves du département IF, il s’est même tenu à ses tous débuts dans les locaux de l’INSA. Pour autant, la participation insalienne, étudiants comme enseignants, était faible. De la même façon, il est regrettable de voir que le département informatique ne s’investisse pas dans une conférence comme Mix-IT. L’édition 2014 de cet événement se déroulait dans les locaux de CPE Lyon, à quelques centaines de mètres du bâtiment IF. Nous n’étions pas vraiment fiers d’aller à Mix-IT avec nos collègues qui n’ont pas étudié à l’INSA en leur montrant le bâtiment IF et en leur disant : « en fait Mix-IT, ce n’est pas ici, c’est de l’autre côté de la rue ». Aussi, certains universitaires comme Rémi Forax, José Paumard ou encore Julien Ponge participent à des conférences, mais ils sont encore trop peu nombreux. Ce sont pourtant ceux qui forment les développeurs de demain.
Pour autant, ne renions pas tout. L’enseignement de l’INSA est tout de même complet et couvre beaucoup de domaines. Nous avons des notions d’ERP et de BI, nous avons fait clignoter une LED avec de l’assembleur, nous avons fait de la comptabilité et du traitement du signal. Même si tout ne nous sert pas tous les jours, c’est un bagage technique qui permet d’avoir une vue d’ensemble sur le monde dans lequel nous évoluons.
Mais revenons sur le métier d’ingénieur en informatique : l’informatique, d’après Wikipedia, s’appuie sur des programmes informatiques. Mais au fait, qui écrit ces fameux programmes informatiques ? Les développeurs bien entendu !
Trop souvent en France, le métier de développeur est dévalorisé. En ESN (oui oui il faut arrêter de dire SSII), le schéma type d’évolution de carrière est développeur puis chef de projet, ce qui place le développeur sous le chef de projet. La logique voudrait pourtant que ce soient deux métiers différents et complémentaires, mais en réalité il s’agit d’une véritable relation de subordination. Un bon chef de projet saura faire confiance à son équipe et déléguera les décisions techniques à ses collègues développeurs, voir à ce sujet cette excellente parodie.
Bien sûr qu’il faut des écoles d’ingénieurs généralistes comme l’INSA pour former aux différents métiers de l’informatique. Mais cela n’implique pas pour autant qu’elles doivent rabaisser l’image du métier de développeur et d’en faire le poste qu’on doit quitter au plus tôt, une sorte de marchepied qui permet d’accéder aux postes à responsabilité. Pourtant, à l’INSA on nous a bien fait comprendre que si on était encore développeur après quelques années de travail c’est qu’on avait raté sa carrière, pour preuve la formation qui met bien vite de côté le développement. Malgré tout cela, nous sommes développeurs et fiers de l’être et nous comptons continuer à exercer ce beau métier. Notre travail n’est vraiment pas ingrat. Nous manipulons au quotidien des outils qui permettent d’exprimer une créativité extraordinaire, le rêve ultime pour un ingénieur !
Aujourd’hui, fort heureusement, des initiatives visent à valoriser le métier de développeur, citons à ce titre le rapport ministériel de Tariq Krim, la très controversée école 42 (mais qui a le mérite d’illustrer quelques problèmes du système éducatif français), le mouvement fier d’être développeur et bien sûr les conférences et user groups qui rassemblent des développeurs passionnés.
Alors que pouvons-nous faire ? Et bien à l’INSA nous avions de temps en temps des intervenants extérieurs qui venaient parler de leur expérience professionnelle. C’était toujours très enrichissant. Cet article se veut être une sorte de lettre ouverte en réponse au directeur du département informatique et pour aller plus loin, nous vous proposons, monsieur le directeur, de faire venir des développeurs à l’INSA pour qu’ils viennent parler de leur passion.
Benoit et Youri, IF 2010, Développeurs.
L’image d’en-tête provient de Flickr.
Merci pour cet article de réponse, j’essayais justement de trouver une formulation de la même idée… Mais tout est dit !
Signé : un développeur de la promo 2011 et fier de l’être !
Je rajouterai que la suite de l’introduction de cette article controversé dit ceci : « On en souffre, en particulier en attirant peu de filles : elles ne sont que 14% dans notre filière informatique. »
Le pourcentage est intéressant et on a tous envie qu’il s’équilibre un jour mais croire que c’est la peur de coder qui tient cette limite basse me parait être un point de vue très « original » pour rester poli. Les gens qui ne veulent pas faire de code informatique doivent choisir une autre filière, ça n’a rien à voir avec être un homme ou une femme.
Je rajoute enfin que j’ai un ami qui a suivi une toute autre filière (économique à la faculté) et qui gère des équipes de développements depuis et bien il s’est mis à coder du coup pour être plus pertinent avec ses équipes 🙂
Merci beaucoup pour cet article. Je suis tout à fait d’accord. Je suis TC 2009 et quand j’ai commencé à bosser j’ai pris une grosse claque dans la gueule :
Mon dieu, on ne sait rien faire !
Le choc face aux EPFL a été rude pour moi. Au final je m’en sors pas trop mal, mais c’est quand même dommage de passer autant de temps en cours à apprendre des vieilleries ou pire, à apprendre à pondre des rapports.
Sans compter les formations DOC’INSA et autres horreurs.
J’ai l’impression d’avoir été formé pour devenir technico commercial chez un intégrateur réseau ou dans une SSII !
Un ingénieur développement qui ne sait pas coder ne mérite pas ce titre.
Merci pour ces retours. C’est réconfortant de voir que nous ne sommes pas les seuls à avoir ce ressenti.
Je ne sais pas ce qui était au menu en TC, mais visiblement l’impression est assez similaire. Et en fait, je pense qu’on peut généraliser à bien d’autres écoles que l’INSA. Je crois qu’en fait ce syndrome touche plus ou moins l’ensemble de l’enseignement de l’informatique en France.
Quoi qu’il en soit, même si notre formation n’est pas spécialement pointue en technique, ce n’est pas une fatalité. Avec de la passion et de la volonté, il est possible d’être un développeur digne de ce nom. Nos connaissances ont besoin d’être continuellement entretenues et mises à jour pour pouvoir rester opérationnel. Il faut simplement y consacrer une partie de notre temps.